Marquée par le vieillissement de la population, les évolutions épidémiologiques ou encore les contraintes budgétaires, la prise en charge des patients âgés est aujourd’hui au coeur des débats sur l’avenir du système de santé français. Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur les enjeux à venir liés à cette prise en charge.
Alcimed, société de conseil et d’aide à la décision, dresse l’état des lieux de la prise en charge des patients âgés en France et revient sur le rôle des acteurs clés, leurs contraintes et les enjeux associés. Face au vieillissement de la population et à l’évolution de la structure sociale, la prise en charge des patients âgés est aujourd’hui une problématique majeure. En 2011, 1 Français sur 6 a plus de 65 ans, soit 10,9 millions de personnes et 5,8 millions de personnes ont plus de 75 ans, soit 8,9% de la population. En 2040, les plus de 75 ans représenteront 14,7% de la population (source : INSEE).
Le vieillissement de la population et l’allongement de la durée de vie engendrent des situations de polypathologie de plus en plus fréquentes ainsi qu’une sur-prévalence de certaines pathologies chroniques liées à l’âge, comme la maladie d’Alzheimer. En effet, si rien ne vient ralentir la tendance actuelle, on dénombrera 1 200 000 cas en 2020 (soit 2 patients atteints de la maladie d’Alzheimer pour 100 habitants) et 2 100 000 cas en 2040 (soit 3 patients atteints de la maladie d’Alzheimer pour 100 habitants) – Source : France Alzheimer.
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Cette situation va mécaniquement conduire à l’accroissement des situations de dépendance.
En effet, les patients âgés sont malheureusement le plus souvent en situation de dépendance et se retrouvent isolés de leur famille du fait de certaines mutations sociales, tel que l’éclatement géographique des familles, impliquant une baisse du nombre d’aidants par personne âgée dépendante. Ces mutations font peser de nombreuses contraintes sur les divers acteurs de la prise en charge des patients âgés. La population médicale et paramédicale (gériatres, généralistes, infirmières, etc.), les structures médico-sociales (filière de soins gériatrie, EHPAD, structures de prise en charge à domicile, etc.), les aidants ainsi que les acteurs politiques sont au premier plan de la mise en place de la politique de prise en charge des patients âgés.
En premier lieu, la population médicale souffre d’un manque de reconnaissance de la spécialité gériatrie ainsi que d’un manque de personnel dû à une faible attractivité du secteur médico-social. Les médecins généralistes manquent de temps et souffrent d’une politique de paiement à l’acte jugée insuffisante dans le cas de la prise en charge du patient âgé.
Enfin, il s’agit d’une population vieillissante, proche du départ à la retraite, ce qui, à plus long terme, engendrera des problèmes d’accès aux soins (déserts médicaux).
De plus, les structures médico-sociales doivent faire face à des contraintes logistiques et budgétaires fortes : le nombre de places disponibles et les ressources financières sont insuffisants et leurs coûts pour les patients élevés. Elles sont également confrontées à des problématiques de maîtrise des risques sanitaires (infections liées aux soins, dénutrition, etc.).
Parmi les acteurs clés entourant le patient âgé, les aidants sont souvent oubliés. Pourtant en France, plus de 4 millions d’aidants familiaux interviennent auprès de personnes âgées de plus de 60 ans et ce au détriment de leur propre santé, en raison du stress chronique généré la gestion de ces situations (source : Rapport Trillard Juin 2011 ; La dépendance des personnes âgées : une projection en 2040, M. Duée, C. Rebillard).
Enfin, les acteurs politiques ont également un rôle clé dans la prise en charge des personnes âgées. En effet, à l’échelle nationale, le vieillissement de la population est intégré dans les politiques publiques via la définition de plans nationaux comme le plan « Solidarité grand âge ». Cependant, les résultats apparaissent insuffisants. A l’échelle régionale, la création des agences régionales de santé (ARS) répond à une volonté des pouvoirs publics d’optimiser l’organisation du système de santé en le régionalisant en vue de le rapprocher des besoins de la population. Mais leurs moyens demeurent insuffisants, notamment pour ce qui est du secteur médico-social, et le parcours de soin reste peu lisible pour les patients âgés. L’analyse de ces contraintes fait ressortir cinq enjeux clés dans la prise en charge du patient âgé : la prévention, la fluidification du parcours de soins, la professionnalisation des acteurs, le maintien à domicile et la régionalisation de la
santé. La prévention, définie par l’OMS comme l’ensemble des mesures visant à éviter ou à réduire le nombre et la gravité des maladies ou des accidents, est une démarche essentielle : « La prévention va probablement être amenée à se développer dans les années à venir » explique Guillaume HUBERT, Responsable de missions chez Alcimed.
Elle a pour objectif de préserver l’autonomie du patient âgé le plus longtemps possible. Il s’agit d’une démarche à suivre tout au long de la vie du patient et nécessite une approche à la fois thérapeutique et non-thérapeutique, tel que le respect de règles hygiéno-diététiques (activité physique régulière, alimentation saine…). Le médecin généraliste a ici un rôle central puisqu’il assure le suivi du patient et se situe à l’interface des différents acteurs de la prise en charge.
Assurer une prise en charge fluide est également un enjeu clé. Or, la prise en charge du patient âgé est aujourd’hui trop cloisonnée et des ruptures dans la continuité des soins sont observées par les professionnels de santé, par exemple entre la ville et l’hôpital. La
fluidification du parcours de soins implique donc une meilleure coordination entre les acteurs de la prise en charge avec un rôle central attribué au médecin traitant.
L’organisation de groupes de travail multidisciplinaires entre spécialistes et généralistes pourra contribuer à cette démarche. Par ailleurs, le dispositif des Maisons pour l’Autonomie et l’Intégration des malades d’Alzheimer (MAIA), qui avait été créé en 2008 dans le cadre du Plan Alzheimer, a été étendu à l’ensemble des personnes âgées.
L’amélioration de la prise en charge des patients âgés profiterait également d’une meilleure professionnalisation des acteurs. En effet, plusieurs carences ont été identifiées dans la prise en charge du patient âgé comme des difficultés dans l’établissement d’un diagnostic précoce pour les professionnels de santé, une hétérogénéité des formations en gériatrie ou encore le manque de connaissances des aidants.
Par ailleurs, vivre et vieillir chez soi constituent une aspiration forte des personnes âgées
en perte d’autonomie. Cependant, le domicile du patient âgé n’est pas toujours adapté à sa perte d’autonomie. La gérontechnologie va donc être amenée à se développer pour
permettre la sécurisation du maintien à domicile et ainsi réduire le nombre d’hospitalisations.
De la même manière, la création de structures d’accueil intermédiaires (accueil de jour, hébergement temporaire, etc.) va permettre de retarder la prise en charge en EHPAD et ainsi développer la prise en charge à domicile. Par ailleurs, les solutions de télémédecine, en plein développement, vont permettre également d’éviter les déplacements et de sécuriser le domicile.
Enfin, la régionalisation du système de santé pourrait voir les ARS prendre une part plus importante dans la gestion de la dépendance. En effet, avec la réforme des collectivités locales, les compétences des départements en matière de dépendance pourraient être transférées aux ARS qui gagneraient en autonomie dans l’allocation des ressources associées à la dépendance via une fongibilité des enveloppes ville, hôpital et médico-sociale envisagée pour 2012-2013.
Si la prise en charge des patients âgés en France est aujourd’hui au coeur des débats, son amélioration demande des démarches d’envergure, ce qui nécessite une action conjointe et coordonnée de l’ensemble des acteurs de la prise en charge.